La représentation sémantique des mots composés

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R. Bussone, J.-P. Rossi

Figure

Objet

Nos recherches actuelles se centrent sur la représentation sémantique des mots composés. Ce sont des unités morphologiquement complexes composées de deux unités lexicales existantes (par exemple : << camion-citerne >>, << chauve-souris >>), que nous décomposons en constituants (constituant 1 + constituant 2 = mot composé). La question est de savoir quel rôle joue l'interaction entre les deux constituants dans la représentation sémantique du mot composé. Plusieurs cas d'interaction sont à prendre en compte : d'une part, les constituants peuvent avoir un lien direct avec la signification du mot composé (c'est le cas pour << camion-citerne >>), auquel cas le sujet n'est pas obligé de stocker la signification et peut la recomposer ; d'autre part, les mots composés de type << chauve-souris >>, dont la signification n'est pas inférable, doivent être nécessairement stockés en mémoire pour être reconnus. Les trois expériences qui suivent apportent un début de réponse.

Description

Deux expériences d'amorçage sémantique avec décision lexicale et une expérience de décision lexicale simple ont été conduites. La première a pour but de déterminer si chaque partie d'un mot composé (ainsi que le mot composé lui-même) préactive un mot associé. Les amorces sont de type N-N et V-N, et les cibles sont des mots simples, sémantiquement associés soit à l'un des deux constituants, soit au mot composé global, ou bien des mots non liés à l'amorce (condition contrôle), ou bien encore des non mots (mots existants dont une lettre a été changée). La seconde expérience teste également des N-N et des V- N, mais en distinguant les mots composés dont la signification est inférable (<< camion-citerne >>), et ceux dont la signification ne l'est pas (<< chauve-souris >>). Cette fois, seuls deux types de cible ont été utilisés : mots associés ou mots non associés. Enfin, la troisième expérience reprend les N-N utilisés dans l'Expérience 2 pour tester le temps de détection des N-N inférables et des N-N non inférables.

Résultats et perspectives

Les résultats de l'Expérience 1 sont illustrés par la Figure 1. Ils indiquent que chaque constituant des N-N, ainsi que leur signification globale, préactivent des cibles associées. En revanche, pour les V-N, seul le second constituant (c'est-à-dire le nom) préactive une cible associée. Ces résultats peuvent indiquer que la signification des mots composés n'est activable que si les deux constituants sont reconnus. Or, pour les V-N, les verbes se présentent sous forme conjuguée (généralement à la troisième personne du singulier), comme pour les mots << allume-gaz >>, << gratte-ciel >>, << casse-pieds >>, etc. Morphologiquement, ils sont alors très proches des noms, ce qui peut provoquer une ambiguïté pour leur détection, et donc un retard dans l'accès à leur signification. L'Expérience 2 (Figure 2) montre que l'accès à la signification globale du mot composé ne se fait que pour les N-N à signification inférable. Pour les N-N sans signification inférable ou les V-N (quelle que soit la condition expérimentale), aucun amorçage n'est constaté. Les résultats de cette expérience confirment donc partiellement les résultats de l'Expérience 1, mais il faut souligner que les constituants n'ont pas encore été testés. L'Expérience 3 teste les temps de détection des deux types de N-N utilisés lors de l'Expérience 2. La Figure 3 illustre les temps de réponse obtenus. Il apparaît que les N-N avec signification inférable sont reconnus plus lentement que les N-N à signification non inférable. Cette différence peut expliquer les différences en temps de réponse obtenues lors de l'Expérience 1.

Actuellement, deux recherches sont en cours. La première se centre sur le réseau associatif des verbes, qui peut apporter des réponses à la difficulté d'amorcer à partir de verbes. Il sera peut-être ainsi possible d'amorcer des mots composés de type V-N. La seconde recherche doit se focaliser sur le rôle de la fréquence d'utilisation des mots composés et son effet sur l'amorçage sémantique.

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