La polysémie lexicale : 1. étude expérimentale

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K. Chibout

Figure

Objet

Cette étude, effectuée sous la direction de Marie-Dominique Gineste (Groupe Cognition Humaine), vise à valider expérimentalement un modèle linguistique de la polysémie des verbes du français. L'étude linguistique, réalisée principalement sur un dictionnaire terminologique, a fait apparaître que la définition du sens habituel d'un verbe est la structure privilégiée à partir de laquelle se construisent les différents sens de celui-ci. Pour autant ce modèle linguistique a t-il une réalité psychologique ? En d'autre termes, existe-t-il un <<dictionnaire mental>> en accord avec ce modèle ?

Les travaux en psycholinguistique sur la polysémie sont relativement peu nombreux notamment en comparaison de ceux sur l'homonymie, principal autre type d'ambiguïté sémantique. Sur le plan théorique, nous nous inspirons principalement des études sur la flexibilité sémantique (cf. par exemple [1]), des récents travaux de Jorgensen ([2], [3]) en psycholexicologie et des hypothèses de Ochanine [4] concernant l'image opérative.

Description

La description sémantique des verbes est centrale dans la construction de leurs sens multiples. À titre d'exemple, le sens propre associé à nourrir peut être défini comme : faire manger un être vivant dans le but de l'entretenir (le maintenir en vie). Cette définition s'applique à l'exemple suivant 1) Le paysan nourrit le bétail avec du foin.. En revanche dans le contexte 2) La paysanne nourrit le feu avec des branchages secs, le traitement sémantique de l'énoncé passe par la sélection d'une partie de la signification propre du verbe, en l'occurrence entretenir. Autrement dit, ce type de sens figuré reste proche de la signification propre du verbe. La représentation sémantique est tronquée et on sélectionne l'élément pertinent par rapport au contexte d'énoncation. D'autres sens, de nature métaphorique, ne sont pas contenus dans la définition mais inférés à partir de celle-ci. Ainsi dans 3) Le cafetier nourrit de ragots les habitués de son bar, l'idée d'apprendre, d'informer connotée par nourrir n'est pas présente dans la définition de ce dernier. Ce sens est donc plus éloigné de la signification première denourrir. Ces observations linguistiques ont-elles une réalité psychologique ?

Une première expérience classique d'amorçage sémantique (cf. Expérience 1) a pour but de fournir des informations concernant le niveau d'activation des différents traits sémantiques et/ou sens d'un ensemble de verbes polysémiques hors contexte : on présente le verbe polysémique (nourrir) en amorce et, soit un des éléments verbaux propre à sa définition ((faire) manger, entretenir), soit un sens métaphorique (informer) en cible.

La deuxième expérience (cf. Expérience 2) introduit un contexte aux verbes. Ces derniers sont présentés dans des énoncés phrastiques tels que 1), 2) et 3). Le but est de déterminer quand et comment les différents sens d'un mot (verbe) polysémique sont récupérés par un auditeur lorsqu'ils sont présentés dans des énoncés. L'expérience vise également à évaluer la distance sémantique entre les sens de chaque verbe (sens contenu dans la représentation vs sens inféré).

Résultats et perspectives

L'expérimentation est en cours et nous ne disposons pas de données suffisantes à l'heure actuelle pour fournir des résultats significatifs. Parallèlement à cette étude, nous nous efforçons de modéliser ces faits de langue d'un point de vue informatique, visant ainsi à simuler les hypothèses sur les processus de traitement de la polysémie qui auront été mis en évidence par l'expérience psychologique.

Références

[1] L. Schoen : <<Semantic flexibility and core meaning>>, Journal of Psycholinguistic Research,17, 113-123. 1988
[2] J. C. Jorgensen : <<Definitions as Theories of Word Meaning>>.Journal of Psycholinguistic Research, vol. 19, n3, 293-316, 1990.
[3] J. C. Jorgensen : <<The Psychological Reality of Word Senses>>.Journal of Psycholinguistic Research, vol. 19, n3, 166-190, 1990.
[4] D. Ochanine : <<Le rôle des images opératives dans la régulation des activités de travail>>.Psychologie et Education, 3, 63-79, 1978.

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