GROUPE COGNITION HUMAINE

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Michel DENIS

Exemples d'Activité de Recherche du groupe

Au terme des quatre années du soutien spécifique reçu du Programme Cognisciences du CNRS, puis du GIS Sciences de la Cognition, le Groupe Cognition Humaine constitue l'une des quatre composantes du Département Communication Homme-Machine. La mise en oeuvre des opérations de recherche conduites par le Groupe s'appuie sur une démarche théorique et une méthodologie qui sont celles de la psychologie cognitive expérimentale. L'objectif des membres du Groupe est de rendre compte des processus par lesquels les individus traitent l'information extraite de leur environnement et en construisent des représentations utilisables dans leurs conduites. Les connaissances acquises sur la construction de représentations mentales à partir du traitement du langage sont mises au service des travaux pluridisciplinaires menés dans le laboratoire sur les formes naturelles et artificielles de l'intelligence et sur la communication homme-machine.Les travaux du Groupe Cognition Humaine explorent trois grands thèmes : le rôle de l'image et du langage dans la cognition spatiale ; la compréhension de textes ; l'acquisition et la représentation des connaissances. Les discussions menées cette année au sein du Groupe nous ont conduits à envisager un regroupement des deux derniers thèmes, compte tenu de la proximité de leurs objets. Cette formule permet également de réaliser un meilleur équilibre des potentiels de recherche entre les deux nouvelles équipes ainsi reconfigurées. La rédaction du prochain rapport fera apparaître cette nouvelle structuration.

THEME 1 : IMAGE, TRAITEMENT DU LANGAGE ET COGNITION SPATIALE

M. Denis, M. Bollaert, M. Cocude, M.-P. Daniel, G. Fernandez, O. Ghaëm, A. Gryl, Y. Pigenet

Les travaux menés sur ce thème portent sur le rôle de l'image et du langage dans la construction de représentations mentales de configurations spatiales. Cette étude permet de rendre compte des processus de communication entre agents cognitifs visant à partager des connaissances sur leur environnement. Nos travaux s'inscrivent dans un contexte international qui comporte une dimension enropéenne significative, grâce au soutien reçu de l'Union Européenne au titre du Programme Capital Humain et Mobilité. Au groupe d'Orsay (coordinateur du projet) sont associées des équipes d'Aberdeen, La Laguna, Padoue, Sarrebruck et, plus récemment, Helsinki.Nos expériences sur la génération des images mentales analysent les processus cognitifs mis en oeuvre lorsque des individus construisent la représentation interne de configurations spatiales à partir des descriptions verbales de ces configurations. Les analyses chronométriques de l'exploration mentale de distances confirment la capacité de ce type de représentation à refléter la métrique des configurations imaginées. Elles sont étendues à des situations expérimentales nouvelles dans lesquelles nous mettons en évidence la compositionalité des durées d'exploration mentale. D'autre part, le travail de modélisation impliquant la comparaison d'images générées à partir d'entrées perceptives ou d'entrées linguistiques s'est poursuivi, avec la réalisation d'une expérience d'amorçage spatial. Les résultats font appara^tre que les relations spatiales non explicitées dans une description sont d'autant plus rapidement inférées que les éléments reliés sont proches dans la configuration décrite, mais cet effet s'estompe à mesure que progresse l'apprentissage.

Nous avons également poursuivi notre analyse des processus de linéarisation discursive dans la description de configurations géographiques. Le caractère systématique des modes de séquentialisation a été mis en relation avec d'autres caractéristiques du discours descriptif, comme la prise de perspective en survol ou en trajet. Un nouveau programme de recherche consiste à analyser la représentation mentale des déplacements au sein d'une configuration préalablement mémorisée, soit à partir d'une carte, soit à partir d'une description verbale. Le paradigme de Morrow et Bower offre la possibilité d'étudier les processus d'activation différentielle (comparables aux processus de focalisation en perception visuelle) pendant la lecture de narrations décrivant les déplacements d'un personnage dans un environnement spatial complexe. Les résultats confirment la plus grande accessibilité des objets situés dans les régions de l'environnement traversées par le personnage. Sur ce thème, un travail de thèse a commencé cette année (allocation de recherche Sciences Cognitives).L'analyse des processus cognitifs mis en oeuvre dans la description d'itinéraires continue d'occuper une place majeure dans notre programme expérimental. Nous poursuivons le recueil de corpus de descriptions dans des environnements variés (campus, environnements urbains) et la classification des propositions issues de leur analyse. Nous avons plus spécialement étudié cette année la robustesse de la structure des descriptions d'itinéraires produites dans des situations contraintes (par exemple, lorsque le sujet doit fournir une description concise). Les études de validation utilisent des tâches de compréhension et de mémorisation. Sur ce thème, un travail de thèse a été engagé cette année (allocation DRET). Nous analysons plus particulièrement l'effet d'une présentation temporellement contrainte sur le rappel des différents composants des descriptions. Nous étudions également les conditions cognitives du traitement d'informations signalétiques homogènes ou hétérogènes (comportant à la fois des éléments verbaux et iconiques). Ces travaux fournissent un ensemble de spécifications utilisables par les concepteurs de systèmes informatisés d'aide à la navigation. Ils sont conduits avec le soutien de la DRET et en concertation avec le PIR Villes du CNRS, la Direction des Recherches de PSA Peugeot et le département de la RATP en charge de la signalétique. Cette thématique s'inscrit parmi les travaux coordonnés par la Plate-Forme Multimodale du LIMSI et fait l'objet d'un contrat obtenu cette année du GIS Sciences de la Cognition.Enfin, notre coopération avec le Groupe d'Imagerie Neurofonctionnelle (GIN) du GIP Cyceron, à Caen, nous permet de recueillir, à l'aide de la tomographie par émission de positons, des données sur les régions cérébrales impliquées dans la représentation mentale de scènes visuelles. Les travaux les plus récents, auxquels est associé le LPPA (Collège de France), portent sur la simulation mentale de déplacements dans des environnements appris par navigation ou bien à partir d'une carte. Les résultats révèlent l'implication de la formation hippocampique dans la simulation mentale des déplacements. La seconde tranche d'un contrat passé avec le GIS Sciences de la Cognition nous permet d'étendre cette recherche à des situations visuellement réalistes, mais sans expérience ambulatoire (par présentation vidéo). Un autre aspect des interactions étroites existant entre notre groupe et le GIN s'est exprimé cette année par l'organisation, confiée à B. Mazoyer et à M. Denis par le GIS Sciences de la Cognition, d'une Ecole de Formation sur les Méthodes de Neuro-imagerie.

THEME 2 : COMPRÉHENSION DE TEXTES

J.-P. Rossi, B. Boutanquoi (ASC 1996-97), Nicolas Campion, Martine Cornuéjols, Amal Guha

Une première opération de recherche porte sur l'organisation des réseaux sémantiques. Elle comporte un volet expérimental (recueil de données concernant les réseaux associatifs) et un volet de modélisation utilisant les données recueillies pour construire un modèle connexionniste des réseaux. Les recherches utilisant la méthode de l'amorçage sémantique ont montré que les réseaux associatifs activés par la présentation de mots différaient des réseaux activés par les dessins. La construction de tables d'association verbale et imagée a permis de mettre en évidence les différences entre ces deux catégories d'associations. Nos recherches attestent qu'un dessin ne peut activer un mot associé (autre que le mot permettant de la dénommer) dans les conditions temporelles garantissant l'automaticité de l'activation et que les relations entre le réseau sémantique verbal et le réseau imagé ne sont pas symétriques. Ces résultats sont utilisés pour élaborer un modèle connexionniste des réseaux associatifs. Le réseau proposé comprend un axe hiérarchique de type taxinomique sur lequel sont articulés cinq plans. Chacun de ces plans représente une des propriétés dégagées par l'étude des tables d'association. Chaque propriété comporte un ensemble d'unités et chaque unité est définie par une configuration neuronale. Les propriétés d'activation des unités et leurs systèmes de relation sont conformes au modèle de Grossberg.Une seconde opération de recherche a consisté à analyser et à classer les inférences produites au cours de la compréhension de textes, puis à étudier les conditions dans lesquelles elles sont produites. Une synthèse théorique a permis de définir ce que recouvre la notion d'inférence dans les études sur la compréhension de textes et donc de distinguer les inférences qui ont pour but d'établir la cohérence locale ou globale de la représentation des inférences dites optionnelles, dont le rôle demeure hypothétique. L'étude des conditions de production de ces inférences a permis de révéler le rôle du contexte. Nos expériences montrent que des élaborations optionnelles peuvent être inférées lors de la compréhension lorsque les connaissances du monde sont activées. L'activation de ces élaborations est indépendante de la recherche de cohérence. Le caractère obligatoire de l'inférence ne serait donc pas lié aux processus stratégiques qui établissent la cohérence.Une troisième opération consiste à décrire les structures argumentatives qui sont utilisées dans les textes didactiques. Cette description repose sur les travaux de rhétorique, de linguistique, de logique et de psychologie. Elle doit permettre de construire une formalisation susceptible de représenter les différentes formes d'argumentation et de jouer le même rôle que les grammaires de texte dans la compréhension du langage. Les premières recherches ont permis de montrer l'importance de la composante pragmatique et l'insuffisance des modèles actuels. Elles débouchent sur une catégorisation fine des systèmes argumentatifs mis en oeuvre dans les textes que nous étudions.

THEME 3 : ACQUISITION ET REPRÉSENTATION DES CONNAISSANCES

M.-D. Gineste, P. Duclos, J.-F. Le Ny, V. Scart-Lhomme,

Les recherches incluses sous ce thème analysent les représentations élaborées au cours de la compréhension d'énoncés en langage naturel. En particulier, les activités de compréhension lors de la lecture de textes présentant des <<ressemblances>> avec des connaissances anciennes du lecteur et celle d'énoncés métaphoriques sont décrites dans le cadre des modèles théoriques d'activation. Ces modèles reposent sur l'hypothèse que la représentation sémantique construite dans l'esprit d'un sujet après qu'il a compris une phrase est le produit de l'activation, à un niveau variable, de structures cognitives présentes de façon permanente en mémoire à long terme. Les hypothèses sur des processus en jeu dans le traitement des analogies et dans celui des métaphores sont très voisines : activation des représentations conservées en mémoire à long terme, comparaison de ces dernières et élaboration finale d'une représentation sémantique pertinente. Les procédures expérimentales consistent à présenter des phrases ou de petits textes à un sujet sur un écran d'ordinateur, en lui demandant de les lire et de les comprendre. Le sujet répond ensuite par <<oui>> ou par <<non>> à un mot-sonde, à partir d'une consigne de reconnaissance ou de compatibilité sémantique.Nous avons montré, en ce qui concerne l'analogie, que le sujet élaborait bien une nouvelle représentation rassemblant, comme instance particulière, les deux connaissances. Par ailleurs, les concepts de la connaissance initiale guident la récupération des concepts correspondants analogues de la nouvelle connaissance. En ce qui concerne la métaphore, plusieurs expériences montrent que des traits sémantiques émergent dans le traitement des métaphores. Le statut de ces nouveaux traits demeure indécidable pour le moment. Deux hypothèses sont considérées : (1) ces traits ne caractérisent aucun des termes inclus dans la métaphore et sont élaborés au cours du traitement ; (2) ces traits préexistent au traitement, mais n'ont pas un degré d'activabilité qui les rende accessibles. C'est dans le traitement de la métaphore qu'ils recevraient une quantité d'activation issue de celle des termes inclus dans la métaphore, ce qui les rendrait accessibles après le traitement.

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