Convection mixte dans un canal horizontal chauffé par le bas

S. Xin , P. Le Quéré

en association avec A. Benzaoui et X. Nicolas*, H. Pabiou et S. Mergui**

Objet
La convection mixte dans un canal horizontal chauffé par le bas et refroidi par le haut, appelée écoulement de Poiseuille-Rayleigh-Bénard (PRB), a suscité de nombreux travaux de recherche en raison d'intérêts fondamentaux et industriels [1]. Cette configuration est riche en structures d'écoulements thermoconvectifs (sous forme de rouleaux transverses, parallèles, obliques, sinueux, variqueux, etc.) et constitue un problème type en matière d'analyse de stabilité et contrôle d'écoulements d'une part et d'autre part a des applications dans l'étude des dépôts de vapeurs chimiques (CVD). L'objectif de notre travail à court terme consiste à comprendre les phénomènes physiques du problème à l'aide des outils numériques. A long terme il consiste à manipuler et contrôler l'écoulement de PRB afin d'atteindre un objectif précis (l'optimisation d'un procédé CVD par exemple).
 

Description
Le problème de PRB dépend des nombres de Rayleigh, de Prandtl et de Reynolds : les deux premiers proviennent du problème Rayleigh-Bénard et le dernier de celui de Poiseuille. Il dépend aussi du rapport de forme de la section du canal. En dessous du nombre de Rayleigh critique de Rayleigh-Bénard pur (1708) la solution du problème est triviale : profils de Poiseuille pour les vitesses et linéaire en température. Légèrement au-dessus de cette valeur critique on observe, dans un canal d'extension transverse finie, des rouleaux transverses instationnaires à petit nombre de Reynolds puis des rouleaux longitudinaux stationnaires à plus grands nombres de Reynolds.

   Les rouleaux longitudinaux stationnaires apparaissent également lorsque l'extension tranverse du canal est infinie. Cependant, une analyse de stabilité linéaire montre qu'ils deviennent instables à des nombres de Reynolds suffisamment élevés pour donner naissance à des rouleaux sinueux instationnaires [2]. A la différence des rouleaux longitudinaux stationnaires [3,4], ces structures sinueuses instationnaires n'ont pas été observées expérimentalement. Nous avons donc cherché si le décalage d'observation est lié au confinement transverse du canal.

   Il est à noter que dans l'optique de la CVD, des rouleaux longitudinaux stationnaires ont des effets négatifs sur l'uniformité des dépôts et que des rouleaux sinueux instationnaires devraient favoriser des dépôts uniformes et constituent donc un objectif à atteindre en matière de contrôle.

   Nous nous sommes d'abord placés dans le contexte du développement temporel en supposant, comme dans [2], que les deux plaques horizontales sont de taille infinie et que l'écoulement est périodique dans les deux directions horizontales. Nous avons ensuite considéré un canal confiné dans la direction normale à l'écoulement de Poiseuille. Les simulations numériques pour ces configurations ont été réalisées à l'aide d'un code temporel 3D spectral résolvant les équations de Navier-Stokes instationnaires. Nous avons également mis au point un code spatio-temporel 3D en différences finies pour simuler le développement spatial des structures thermoconvectives dans un canal confiné. Ce code a été conçu afin de pouvoir reproduire les expériences sur les écoulements de PRB réalisées au FAST.
 

Résultats et perspectives
Lorsque, avec le code spectral temporel, nous nous mettons dans la configuration 2D, nous obtenons bien, en-dessous du seuil d'instabilité, des rouleaux longitudinaux stationnaires comme dans [2]. Au-delà du seuil, nous observons comme prédit par [2] des rouleaux sinueux instationnaires.

   Avec ce code temporel, si nous limitons l'extension transverse à 10 fois la hauteur, nous continuons à observer des rouleaux sinueux instationnaires mais pour des valeurs plus grandes du nombre de Rayleigh. Nous concluons donc que le confinement dans la direction transverse n'inhibe pas complètement des instabilités sinueuses et que le décalage entre les mesures expérimentales et les simulations numériques est dû à la différence entre les approches. En effet, les simulations numériques réalisées reproduisent le développement temporel des perturbations mais dans les installations expérimentales on observe plutôt leur développement spatial. Dans le cas d'une instabilité absolue les deux approches aboutissent aux mêmes résultats, mais si l'instabilité est convective il peut y avoir un décalage puisque la longueur limitée du canal ne permet pas aux perturbations de se développer pleinement.

   Il nous reste donc à vérifier si l'instabilité sinueuse est convective, ce qui est en cours. Nous voulons également comprendre le mécanisme physique créateur de l'instabilité sinueuse. Pour cela nous réaliserons une étude de stabilité linéaire des rouleaux longitudinaux stationnaires en canal confiné. Ainsi saurons-nous mieux agir sur les rouleaux longitudinaux stationnaires pour amplifier des perturbations correspondant à l'instabilité sinueuse.
 

Références
[1] X. Nicolas, Revue bibliographique sur les écoulements de Poiseuille-Rayleigh-Bénard : écoulements de convection mixte en conduites rectangulaires horizontales chauffées par le bas, Int. J. Thermal Sciences, 41 (2002) 961-1016
[2] R. M. Clever, F. H. Busse, Instabilities of longitudinal rolls in the presence of Poiseuille flow, J. Fluid Mech., 229 (1991) 517-529.
[3] M. Y. Chang, T. F. Lin, Experimental study of aspect ratio effects on longitudinal vortex flow in mixed convection of air in a horizontal rectangular duct, Int. J. Heat Mass Transfer, 41 (1998) 719-733.
[4] K. C. Chiu, F. Rosenberger, Mixed convection between horizontal plates -1. Entrance effects, Int. J. Heat Mass Transfer, 30 (1987) 1645-1654.
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* (LETEM, Univ. Marne-La-Vallée)

** (FAST)