GROUPE DYNAMIQUE DES FLUIDES ET TURBULENCE

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Jean-Luc Guermond - Christian Tenaud

Exemples d'Activités de Recherche du groupe


INTRODUCTION

Les écoulements de fluides sont présents dans un grand nombre de mécanismes relevant des domaines d'application des sciences pour l'ingénieur, tels que l'énergie, l'environnement, les transports, les matériaux, les biotechnologies et la santé. Ces écoulements de fluide, rencontrés dans la nature ou dans les machines inventées par l'homme, sont instationnaires, généralement turbulents et souvent couplés à d'autres phénomènes physiques. La prise en compte de ces aspects est indispensable à la compréhension et à la prédiction de ces écoulements. Les différents phénomènes physiques mis en jeu en mécanique des fluides peuvent être classés grâce à des paramètres de similitude qui sont des nombres sans dimension représentant la dominance de certains effets. Le groupe Dynamique des Fluides et Turbulence s'intéresse plus particulièrement aux similitudes liées aux nombres de Reynolds, de Rayleigh et de Mach. Ainsi, les activités de recherche du groupe portent sur l'étude d'écoulements pour lesquels la convection est dominante, le régime généralement turbulent et le caractère incompressible ou compressible. La modélisation, la simulation numérique et l'expérimentation sont des outils qui permettent de prédire, comprendre et de contrôler ces différents phénomènes. La stratégie de recherche du groupe s'inscrit dans cette triple démarche.

Deux principaux objectifs sont poursuivis dans le groupe Dynamique des Fluides et Turbulence. Le premier, à long terme, a pour but l'analyse, la compréhension et le contrôle des phénomènes élémentaires rencontrés en mécanique des fluides. Les résultats de cette recherche de base contribuent à la connaissance et doivent servir de support à la libération des verrous technologiques des années à venir. Le second objectif, à caractère plus appliqué, s'appuie sur les connaissances acquises en méthodologies expérimentales et numériques pour modéliser et simuler des problèmes réels, industriels. Il constitue une recherche fondamentale à courte échéance pour répondre aux besoins du monde économique.

Pour satisfaire ce double objectif, le groupe est conduit à mener simultanément :

Le groupe est, de ce fait, organisé autour de quatre thèmes. Les deux premiers thèmes de recherche concernent la validation des méthodes et modélisations employées :

1.
Ecoulements incompressibles : appréhender les phénomènes élémentaires de la mécanique des fluides incompressibles et leur contrôle (décollements, sillages instationnaires, mécanismes de création des tourbillons, turbulence).

2.
Ecoulements compressibles : appréhender les mécanismes fondamentaux de la mécanique des fluides compressibles (ondes de discontinuité et leurs interactions avec des zones cisaillées, mécanismes de création des tourbillons, thermodynamique complexe, turbulence).

Les deux autres thèmes sont d'ordre méthodologique :

3.
Méthodes numériques : fournir des méthodes de simulations numériques fiables, précises et rapides, capables de reproduire les phénomènes physiques mis en jeu.

4.
Expérimentation< : réaliser des mesures instationnaires du champ de vitesse 3D précises pour la caractérisation des structures cohérentes des écoulements.

Le groupe rassemble, par conséquent, des compétences en modélisation, en simulation numérique, en mathématiques appliquées et en expérimentation. La cohérence scientifique du groupe est assurée par des interactions fortes entre la modélisation théorique, la simulation numérique et l'expérimentation. Nous évaluons des modèles de turbulence, lois de comportement et autres modèles phénoménologiques par des simulations numériques et des comparaisons avec des mesures expérimentales. Ce travail de confrontation demande d'extraire à partir des champs spatio-temporels tant simulés que mesurés des invariants susceptibles d'être comparés. Toutefois, pour que la confrontation soit efficace, il faut garantir la fiabilité à la fois des méthodes numériques et des méthodes expérimentales mises en oeuvre. La fiabilité des méthodes numériques est assurée quant à elle par une analyse mathématique rigoureuse ou par des expérimentations numériques. Le groupe possède des compétences reconnues en approximation par différences finies compactes, volumes finis et éléments finis. D'autre part, la qualité des mesures expérimentales est garantie par la recherche de protocoles expérimentaux non intrusifs tels que la Vélocimétrie par Images de Particules (VIP) tridimensionnelle par flot optique.

Nos recherches sont relativement fondamentales mais sous-tendues par des préoccupations applicatives via des activités contractuelles. Certains travaux du groupe sont réalisés en collaboration avec des laboratoires universitaires français (LMF, CEAT Poitiers, LTPM Grenoble, ENSAM Paris, etc.) ou étrangers (Dpt of Fluid Mechanics du Denmark Technical University ; Dpt di Ingeneria Aerospaziale du Politechnico di Milano, Italie ; Texas Institute for Computational and Applied Mathematics, Austin, USA), des organismes publics (DSA/DGA, ONERA, CNES, CEA, Bassin des Carènes, Institut Franco Allemand de recherche de Saint Louis), du milieu industriel (ALSTOM, EDF, SEP, SNECMA) et soutenus par des contrats.

THÈME 1 : ÉCOULEMENTS INCOMPRESSIBLES
S. Pellerin, B. Podvin, O. Daube, A. Dulieu, G. Fournier, J.-L. Guermond, C. Nore, A. Sergent, L. Ta Phuoc, C. Tenaud, B. Viney

Dans le domaine des écoulements incompressibles, les travaux du groupe s'orientent vers la prédiction, l'analyse et le contrôle d'écoulements à haut nombre de Reynolds ou de Rayleigh. Nous nous intéressons, tout particulièrement, aux phénomènes liés aux décollement ainsi qu'aux mécanismes de naissance, de développement et de transport des tourbillons. Le groupe dispose de plusieurs méthodes originales de simulation numérique capable de traiter des écoulements cisaillés à des nombres de Reynolds élevés (104) (modulo un nombre de points de discrétisation suffisant pour représenter toutes les structures). En s'appuyant sur les acquis en matière de simulation numérique d'écoulements incompressibles, trois études sont poursuivies dans le cadre de ce thème. La première concerne l'étude de la capacité de la simulation des grandes échelles à prédire le développement d'écoulements (internes ou externes) en tenant compte des effets rotationnels et de leurs interactions avec les couches cisaillées. La seconde étude est relative à la mise en place du contrôle des écoulements dans un but d'amélioration des écoulements (i.e. réduction de traînée, augmentation du taux de mélange, ..., suivant les applications). Enfin, la troisième s'intéresse à la mise au point et à la validation d'une méthode inverse originale, tridimensionnelle, en fluide parfait pour l'optimisation d'aubes de turbomachine.

Simulation des Grandes Échelles A grands nombres de Reynolds et en écoulements tridimensionnels, la simulation directe n'est plus possible car le nombre de points de discrétisation devient rapidement prohibitif pour pouvoir reproduire toutes les structures tourbillonnaires présentes dans l'écoulement. Une alternative intéressante est donc la Simulation des Grandes Échelles (SGE) avec une modélisation des petites structures. Ces dernières années, le groupe a engagé ses recherches sur de nouveaux modèles, mieux adaptés aux écoulements cisaillés, pour la prise en compte des interactions entre différents niveaux d'échelles d'un point de vue dynamique. Dans cette voie, nos efforts portent actuellement sur l'analyse du développement des effets de rotation sur les écoulements libres comme les sillages, jets ou couches de mélanges. Dans ces travaux une attention particulière est portée aux comparaisons calcul - expérience. En parallèle des validations, nous avons dernièrement poursuivi les études sur la modélisation de sous maille pour ce qui concerne le transfert d'énergie thermique entre plusieurs niveaux d'échelles. Par analogie avec le modèle dynamique, un modèle d'échelles mixtes du flux de chaleur de sous maille a été proposé pour des applications de convection naturelle.

Écoulements cisaillés libres : Les écoulements cisaillés libres ont été souvent étudiés en régime de développement temporel. L'originalité des études du groupe dans ce domaine est le régime de développement spatial, afin de se rapprocher des conditions réelles. Les cas de la couche de mélange et du jet en rotation ont été considérés et simulés numériquement. Concernant la couche de mélange, les résultats obtenus ont été comparés avec succès aux mesures expérimentales fournies par le CEAT de Poitiers. Le comportement des modèles de sous maille utilisés et l'influence des perturbations et des conditions amont ont été nettement mis en évidence. La prochaine étape de ce travail sera d'étudier plus en détail le comportement des modèles de sous maille sous l'effet de la rotation, c'est-à-dire l'influence d'un cisaillement secondaire azimutal sur une couche de mélange classique.

Influence des effets 3D sur les résultats des simulations numériques : Le cas de l'écoulement autour d'un cylindre à section circulaire a été considéré et étudié à des nombres de Reynolds allant de 100 à 50000. On a montré que les calculs 2D peuvent surévaluer jusqu'à 100 les coefficients aérodynamiques, les valeurs crête-crête et les quantités moyennes, que les résultats des simulations 3D sont plus proches des mesures expérimentales (10%). Cependant on peut se poser la question de savoir si ces constatations restent valables en écoulement non décollé. C'est l'objet des travaux en cours.

Convection naturelle turbulente : Le cas de la cavité différentiellement chauffée a été traité pour des nombres de Rayleigh élevés. Cette situation est délicate à simuler car elle met en présence plusieurs régimes d'écoulement (laminaire, turbulent) avec des régions de transition entre ces régimes. Pour de tels simulations, il est alors intéressant d'étudier les potentialités de la simulation des grandes échelles ainsi que la modélisation de sous maille associée. En particulier, pour pouvoir se passer de l'analogie de Reynolds qui ne semble pas pertinente dans ce type d'écoulements, en collaboration avec le LEPTAB de La Rochelle, nous avons mis au point un modèle de diffusivité de sous maille, basé sur le modèle d'échelles mixtes développé au LIMSI pour le transfert d'énergie cinétique entre échelles. Les validations font l'objet de travaux en cours. Cette validation devrait aussi s'étendre à d'autres configurations (aérodynamique par exemple).

Contrôle des écoulements turbulents : Grâce à la miniaturisation des technologies de commande, le contrôle des écoulements en régime turbulent devient intéressant et possède de nombreuses retombées applicatives. Nous avons souhaité porter un effort important de recherche dans cette voie pour mettre en oeuvre et fournir les outils nécessaires au contrôle opéré par voie numérique. Le but de cette partie est bien entendu d'améliorer les écoulements en terme de gain d'énergie (réduction de traînée, amélioration du mélange, du transfert thermique pariétal, ...). Deux études sont actuellement menées dans ce sens.

Contrôle de la turbulence en zones de proche paroi : Le but est ici de mettre en oeuvre une stratégie, "réalisable" en pratique, du contrôle de couche limite turbulente de plaque plane pour obtenir une réduction de traînée significative. L'idée est alors de coupler une technique statistique d'identification de structures énergétiques (Décomposition Orthogonale aux Valeurs Propres, POD) à une stratégie de contrôle par action à la paroi (soufflage/aspiration). La POD est une technique de post-traitement qui permet une description compacte des évolutions (temporelles ou spatiales) compliquées. Comme l'écoulement est chaotique, la reproduction exacte de la dynamique détaillée n'est ni faisable, ni nécessaire et la POD réussit à reproduire les phénomènes de production d'énergie cinétique turbulente dans la zone de proche paroi. Les résultats numériques du couplage de cette technique avec des actions à la paroi, suggèrent que des gains de traînée substantiels pourraient être obtenus par une dépense d'énergie limitée. Il reste néanmoins à évaluer précisément cette procédure et à étudier ses facteurs limitants. C'est dans cette voie que seront poursuivis les travaux en cours.

Contrôle des instationnarités autour de corps épais : Le but est ici de mettre en oeuvre et d'évaluer des techniques de contrôle pour l'amélioration des performances aérodynamiques. Deux moyens de contrôle (rotation ou aspiration) sont successivement appliqués dans le cas de l'écoulement autour d'un cylindre. Cette étude est menée à partir de simulations des grandes échelles. Bien que le contrôle par rotation s'avère efficace d'un point de vue purement aérodynamique, il semble difficilement concevable du fait des vitesses de rotation élevées. La technique basée sur l'aspiration à la paroi semble plus prometteuse que ce soit d'un point de vue aérodynamique que technologique. Les simulations montrent l'influence de la position de la zone d'aspiration sur les performances en terme de gain de traînée. Dans un souci de validation, les résultats de simulation vont être comparés à des résultats expérimentaux obtenus au LEA de Poitiers . Cette étude doit se poursuivre en prenant en compte des cas plus réalistes, proches de situations industrielles et en utilisant simultanément plusieurs techniques de contrôle.

Méthodes inverses pour les turbomachines Une approche inverse tridimensionnelle basée sur la formulation pseudo-Potentiel-Vorticité a été mise au point dans le cadre d'un écoulement incompressible de fluide parfait autour d'un rotor. Cette étude est l'aboutissement des recherches sur les méthodes inverses entreprises depuis une décennie par l'équipe de turbomachines du LIMSI. Nous sommes passés des approches 2D du type S2-S1 (i.e. calcul méridien et calcul aube-à-aube) basée sur la formulation fonction de courant-vorticité (Ψ,Ω)vers une approche tridimensionnelle en (Ø,Ω) qui est capable de traiter des écoulements rotationnels.

THÈME 2 : ÉCOULEMENTS INSTATIONNAIRES COMPRESSIBLES
C. Tenaud,
L. Bentaleb, A. Cadiou, V. Daru, L. Coquart, L. Ta Phuoc

Ces dernières années, les travaux en fluide compressible se sont orientés vers l'étude d'écoulements en situations instationnaires, transitoires ou pleinement turbulentes. Pour atteindre une prédiction et une analyse correcte de ces écoulements, il faut non seulement se doter d'outils numériques faibles, mais aussi valider ces outils et ainsi, définir leur domaine d'application pour les cas d'écoulements considérés. Pour cela, trois études sont réalisées dans ce cadre : la première concerne la recherche de schémas à capture de chocs de haute précision adaptés à la simulation des grandes échelles, la deuxième est relative à l'analyse des modèles de sous maille en écoulements compressibles et la troisième correspond à l'étude des potentialités de la simulation des grandes échelles dans des applications proches des préoccupations industrielles.

Schémas à capture de choc de haute précision : Depuis plusieurs années, la Simulation des Grandes Echelles (SGE) a fait l'objet d'une attention particulière du fait de la puissance qu'elle offre dans l'analyse de la dynamique des écoulements à haut nombre de Reynolds. Dans ce type d'approche, la qualité des résultats dépend non seulement de la capacité du schéma numérique, associé au maillage de calcul, à reproduire la physique des phénomènes mis en jeu, mais aussi de la qualité de la modélisation de sous maille. Bien que des schémas non-dissipatifs d'ordre élevé se soient avérés être des candidats adaptés à la SGE, il nous est apparu intéressant d'évaluer les potentialités de schémas d'ordre élevé, intrinsèquement dissipatifs et originalement construits pour la capture de discontinuité (schémas à capture de choc). En effet, jusqu'à ce jour les interactions possibles entre la dissipation du schéma numérique et celle de la viscosité de sous maille n'ont été que très peu abordées. Une des préoccupations fondamentales pour obtenir des SGE de qualité est de répondre à la question : quel est l'ordre de grandeur de la viscosité de sous maille par rapport à la viscosité numérique ? La première étape a pour but l'analyse du comportement des schémas de capture de chocs (TVD, MUSCLE, ENO...), en présence de chocs mais sans modèle de sous maille : plusieurs simulations directes à nombres de Reynolds modérés, de l'interaction choc-couche limite, choc-tourbillon, choc-spot de température ont été effectuées en collaboration avec d'autres laboratoires (SINUMEF/ENSAM, DSNA/ONERA). Les résultats obtenus ont montré l'importance de la viscosité numérique des divers schémas utilisés, à mesure que le nombre de Reynolds augmente. Parmi ces schémas il faut choisir ou inventer celui qui introduira le moins de viscosité numérique afin de pouvoir analyser les effets des modèles de sous maille. C'est dans cette direction que cette recherche est actuellement poursuivie.

Simulation des grandes échelles et modélisation de sous maille : Parallèlement, nous avons fait porter nos efforts sur la modélisation de sous maille adaptée aux écoulements de fluide compressible. Afin d'éviter les effets de paroi, nous avons considéré un cas d'écoulement libre : le développement spatial d'une couche de mélange pour lequel le CEAT de Poitiers dispose de bases de données bien documentées. Une étude systématique du comportement des modèles de sous maille a été réalisée, montrant que la surdissipation de certains modèles peut faire disparaître les grosses structures de l'écoulement. Cette étude préliminaire nous a permis de fixer notre choix sur un des modèles les moins dissipatifs : le modèle d'échelles mixtes. Les résultats 3D utilisant ce modèle d'échelles mixtes ont été comparés avec un très bon accord aux mesures du CEAT. Une étude des effets de compressibilité sur les résultats a de plus été menée montrant (dans la plage des nombres de Mach étudiés) un bon comportement de la SGE et de la modélisation de sous maille. Cette recherche est poursuivie avec l'introduction de modèles tensoriels et de schémas numériques de haute précision.

Simulation des grandes échelles d'écoulements confinés 3D : Les écoulements complexes à grands nombres de Reynolds, en présence de parois sont jusqu'à maintenant prédits et analysés avec des modèles statistiques (RANS) et limités par conséquent aux régimes stationnaires. Afin d'étudier les potentialités d'une approche SGE en comparaison avec celle utilisant les RANS, le problème de l'écoulement dans une tuyère transsonique a été étudié dans le cadre du Consortium Industrie Recherche sur les Turbomachines (CIRT), en collaboration avec le LEMFI. Cet écoulement d'étude sert en particulier à modéliser certains phénomènes physiques instationnaires se produisant tant au sein d'une turbomachine que dans une entrée d'air supersonique. Les résultats donnés par la SGE sont en relativement bon accord avec les mesures expérimentales. Ils complètent tout à fait les résultats obtenus par modélisations statistiques par les aspects instationnaires. Cette étude a été complétée par une analyse des bilans énergétiques. Néanmoins, les calculs issus de SGE sont onéreux en temps de calcul. Ils doivent être restreints à des régions de l'écoulements dans lesquels les instationnarités à grandes échelles sont dominantes. De ce fait pour simuler le fonctionnement aérodynamique d'une machine " complète ", il est nécessaire de prévoir des méthodes de couplage entre des simulations obtenues à partir de modèles statistiques (RANS) sur l'ensemble de la machine et des simulations des grandes échelles dans des zones restreintes. C'est dans cette voie que s'oriente cette étude en proposant des méthodes de génération de conditions instationnaires aux frontières de la zone restreinte. A ce titre, nous participons au Réseau de Recherche et Innovation Technologique (RRIT) " Recherche Aéronautique sur le Supersonique ", dans le projet " outils numériques avancés pour la conception de prises d'air avec système de contrôle ", en collaboration avec l'ONERA-DAAP, le LEMFI et SINUMEF-ENSAM. Soulignons aussi qu'au même titre, nous prenons part à l'accord cadre CNRS / Université Urbana-Champaign, dans une étude des relations qui peuvent exister entre SGE et Décomposition Orthogonale aux Valeurs Propres (POD, Proper Orthogonal Decomposition), en collaboration avec le LEA de Poitiers.

THÈME 3 : MÉTHODES NUMÉRIQUES

J.L. Guermond, O. Daube, Ta Phuoc Loc, C. Tenaud

Viscosité numérique et SGE : Le groupe s'est lancé depuis quelques années dans une importante réflexion sur la Simulation des Grandes Échelles (SGE) de la turbulence. L'idée à la base de ce projet est qu'avec les ressources informatiques disponibles actuellement, il n'est pas envisageable de faire des simulations numériques directes des écoulements turbulents de type industriel. Par contre, on peut espérer ne pas être trop loin de la vérité en ne simulant correctement que les échelles les plus énergétiques des écoulements (i.e. les plus grandes) et en modélisant l'interaction de ces échelles avec les petites échelles non résolues. Cette stratégie a donné naissance à toute une famille de méthodes numériques regroupées communément sous le nom de Simulation des Grandes Échelles (SGE).

En régime turbulent, la convection nonlinéaire est le phénomène dominant, i.e. dans les équations de la mécanique des fluides le caractère hyperbolique domine. Il peut sembler naturel alors de mettre en oeuvre des méthodes numériques adaptées aux problèmes hyperboliques : décentrement, capture de choc, etc. Toutes ces méthodes introduisent une viscosité numérique ad hoc. Lorsque ce type de technique est utilisé en association avec un modèle de viscosité turbulente pour faire de la SGE, se pose la question de l'importance relative de la viscosité de sous maille et de la viscosité numérique du schéma. Cette question est une préoccupation centrale du groupe Dynamique de Fluides et Turbulence. En collaboration avec l'ONERA et le SINUMEF (ENSAM), nous développons des schémas à haute précision afin de minimiser et quantifier l'impact de la viscosité numérique.

Stabilisation par viscosité de sous-maille : Parallèlement aux expérimentations numériques, nous essayons de justifier mathématiquement l'approche SGE. Dans cet esprit, une méthode de stabilisation a été développée pour l'approximation des opérateurs différentiels linéaires monotones. L'idée principale consiste à décomposer l'espace d'approximation de la solution en échelles résolues et échelles de sous-mailles de sorte que la forme bilinéaire associée au problème satisfait une condition inf-sup par rapport à cette décomposition hiérarchique. On obtient une approximation de Galerkin optimale en introduisant un terme de diffusion artificielle sur les petites échelles (i.e. une viscosité de sous-mailles) qui est similaire à certains modèles de viscosité turbulente de sous-maille. Des résultats théoriques de stabilisation et de convergence démontrant l'intérêt de cette approche ont été prouvés. Cette théorie contribue aux fondements mathématiques des techniques de Simulation des Grandes Échelles qui demeurent pour l'instant largement heuristiques. L'extension de la méthode dans le cadre des équations de conservation non linéaire est actuellement en cours. Un des objectifs de ces recherches est de montrer que ce type de technique permet de sélectionner les solutions entropiques.

Méthode de projection  :  Les méthodes de projection de A.J. Chorin et R. Temam sont des algorithmes d'approximation des équations de Navier--Stokes incompressible très performants. Il s'agit de techniques de pas fractionnaires basées sur une marche en temps qui sépare le problème de convection--diffusion de la contrainte d'incompressibilité. A chaque pas de temps, la vitesse déduite du sous-pas de convection--diffusion est projetée sur l'espace des champs de vecteurs à divergence nulle et à trace normale nulle à la frontière du domaine. L'analyse théorique de la convergence de ces méthodes dans un cadre totalement discret est longtemps restée un problème ouvert. Deux résultats théoriques importants ont été obtenus. D'une part le cadre fonctionnel de la méthode a été clarifié. D'autre part, un théorème de convergence à l'ordre Ο(δt2) a été démontré pour un schéma de projection incrémental. Il semble que ce soit le premier résultat de convergence (correct) à l'ordre deux pour un schéma complètement discrétisé.

Formulations alternatives :La contrainte d'incompressibilité (spécificité des équations de Navier--Stokes incompressible) peut être (en apparence seulement) contournée en introduisant une fonction de courant ou un potentiel vecteur pour la vitesse. La difficulté consiste alors à résoudre un problème du quatrième ordre en espace (un biharmonique est en jeu). Cette nouvelle difficulté peut être contournée en introduisant le tourbillon de la vitesse comme variable auxiliaire. On obtient ainsi des formulations alternatives des équations de Navier-Stokes. Un certain nombre de résultats d'équivalence entre certaines formulations alternatives et les équations de Navier-Stokes écrites en variable primitives ont été établis. Une méthode de pas fractionnaire en formulation vitesse--tourbillon similaire à la méthode de projection a été mise au point. Cette méthode a été programmée, validée et depuis exploitée intensivement.

THÈME 4 : CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DE GROSSES STRUCTURES TOURBILLONNAIRES EN RÉGIME INSTATIONNAIRE TURBULENT

P. Gougat, F. Lusseyran, A. Choisier, A. Rambert
(en collaboration avec G. Quénot (CLIPS-IMAG), A. El Gafsi (Univ. de Tunis )<#271#>

Nos développements expérimentaux ont pour vocation d'être conduits en étroite collaboration avec les modélisations et simulations réalisées au sein du département de mécanique énergétique. L'étude de l'interaction d'une couche limite avec une encoche correspond à cet objectif. En effet, cet écoulement fatalement instationnaire est à la fois un cas test pour l'évaluation des simulations numériques (notamment en ce qui concerne les modèles LES) et aussi un modèle pour les problèmes de renouvellement de l'air dans les rues canyon (contrat Primequal du Ministère de l'Environnement, géré par le Programme Environnement Vie et Société du CNRS).

En parallèle à l'expérience (Vélocimétrie par Image de Particules 2D, PIV, Particule Image Velocimetry), un code LES développé au LIMSI permet une simulation tridimensionnelle de l'écoulement jusqu'à des nombres de Reynolds de 10000. Les premières comparaisons à un nombre de Reynolds modéré sont encourageantes ; la fréquence principale des échappées tourbillonnaires, mesurée en aval par vélocimétrie à effet Doppler, est bien retrouvée dans les simulations. En fait, les visualisations montrent le caractère souvent tridimensionnel des structures tourbillonnaires. L'effort de développement de cette année a donc visé à étendre la mesure des champs de vitesse par vélocimétrie par image de particules (PIV) 2D à une mesure de la troisième composante de la vitesse. Des comparaisons plus complètes avec la simulation numérique seront alors possibles. Nos travaux avec Georges Quénot pour le développement d'une approche PIV 3D par flot optique ont déjà conduit à une méthode originale de calibration permettant d'identifier sur une seule image de mire l'ensemble des paramètres définissant la transformée projective de la prise de vue. Lorsque nous disposerons des champs de vitesses 3D mesurés et simulés les étapes de validations seront à explorer en tenant compte des perspectives suivantes. Dans le cas d'écoulements complexes (coexistence de macro structures instationnaires et de turbulence), la comparaison entre expérience et simulation ne peut se réduire à une simple comparaison quantitative du vecteur vitesse en fonction du temps et de la position. Les non-linéarités et la sensibilité aux conditions initiales qui en résulte, les hypothèses de modélisation et les limites métrologiques, imposent le développement d'approches variées pour différents critères de validations. Notons, qu'au titre de la mesure du champ de vitesse tridimensionnel, nous sommes partie prenante dans le projet de réalité virtuelle du LIMSI.

Par ailleurs la collaboration avec Laurent Huber de l'Unité de Bioclimatologie de l'INRA Grignon, sur la caractérisation de la dispersion de particules biotiques a été poursuivie. La PIV a permis de mesurer la dynamique de la sédimentation pour différents types de pollens transgéniques.

RELATIONS EXTÉRIEURES

Organisation de colloques : J.-L. Guermond et C. Tenaud ont participé à l'organisation des Ecoles de printemps de Mécanique des Fluides Numérique de 1999 et 2001. Ils ont été également membres organisateurs de deux journées thématiques sur la " Simulation des Grandes Échelles : Problèmes théoriques et applications " à Orsay en 2000.

Activités ou responsabilités d'enseignement liées à la Recherche :Le groupe comprend 4 Enseignants Chercheurs : A. Cadiou (ATER, Paris VI), C. Nore (MC, Paris XI), S. Pellerin (MC, Paris XI), A. Sergent (ATER, Paris VI). Les chercheurs participent aux enseignements de différents DEA : Mécanique de Paris 6 (J.L. Guermond), Dynamique des Fluides et des Transferts de Paris 11 (B. Viney, C. Tenaud, P. Gougat), Mécanique Énergétique de l'Université de Nancy, Fluides Atmosphères et Plasmas de l'Université d'Orléans (F. Lusseyran). Nous intervenons dans l'enseignement de quelques Grandes Écoles : ENSTA et ENPC (J.-L. Guermond). Le groupe accueille régulièrement des stagiaires de 2e et 3e cycles des Universités et des Grandes Écoles.

Participation à des séminaires : A. Dulieu est responsable de l'organisation du Séminaire de Mécanique du Plateau d'Orsay. Plusieurs membres du groupe (J.L. Guermond, C. Tenaud, L. Doris, L. Coquart) ont participé aux séminaires de l'ASCI sur la simulation des grandes échelles pour les écoulements turbulents. Chacun intervient à titre individuel dans divers séminaires.

Actions de vulgarisation : Nous accueillons régulièrement des groupes de collégiens et de lycéens dans le cadres de journées de sensibilisation aux sciences. Un livre d'enseignement de niveau 3e cycle est à paraître (J.-L. Guermond).

Responsabilités institutionnelles : C. Tenaud est co-responsable du thème Écoulements instationnaires du Réseau Consortium Industrie-Recherche sur les Turbomachines (CIRT) et B. Viney est responsable du thème méthodes inverses dans ce réseau. Nous sommes présents dans diverses Commissions de Spécialistes : S. Pellerin est membre de la CSE de l'Université Paris 11. C. Nore est membre de la CSE de l'Université Paris 11 et de l'ENS Ulm. C. Tenaud est membre de la CSE de l'Université Paris 6 et a été élu au Comité Scientifique du Département Sciences Pour l'Ingénieur (SPI) du CNRS.

Relations scientifiques : Le groupe participe aux travaux de plusieurs GDR : Mécanique des fluides active (B. Podvin, C. Tenaud), GDR turbulence (C. Nore). Nous entretenons un réseau de collaborations avec divers laboratoires et institutions : avec SINUMEF (ENSAM) dans le domaine des méthodes de haute précision pour les fluides compressibles (V. Daru, C. Tenaud) ; avec l'ONERA, pour les recherches sur la modélisation de la turbulence et sur les dispositifs de réduction de trainée ; avec le LEA/(CEAT et LMF) de Poitiers dans le domaine de la validation modèles/réalité expérimentale pour les écoulements laminaires confinés et des structures cohérentes des écoulements turbulents libres (J.-L. Guermond et C. Tenaud); avec le CERMICS de l'ENPC (J.-L. Guermond) ; avec l'INRA dans le domaine de la modélisation du phénomène de dispersion des particules biotiques dans l'atmosphère ; avec le CEA sur les méthodes de viscosité de sous-maille (J.-L. Guermond) ; avec l'École Navale de Brest sur les méthodes inverses pour les hélices marines (B. Viney). De plus, L. Ta Phuoc est Conseiller Scientifique à l'ONERA.

Conventions de recherche et contrats : Nous sommes soutenus par la DSA/DGA via l'ONERA/ DSNA dans le domaine de la simulation numérique d'écoulements instationnaires turbulents (contrat pluriannuel). Le groupe a été financé par 7 contrats de recherche pendant la période 1998-2001 : Air liquide ; CNES ; ONERA ; INRA ; LTPM ; Programme Supersonique du MRT, Programme Primequal. Nous travaillons avec la SNECMA, EDF et ALSTOM dans le cadre du réseau CIRT (convention de recherche). Le CNES a soutenu le groupe pour développer des méthodes numériques de détermination et d'analyse des effets de viscosité dans les turbomachines par l'intermédiaire d'une bourse de Post-doc.

Responsabilités institutionnelles : C. Tenaud est secrétaire du pôle France West Ercoftac et représentant de ce pôle au Scientific Program Committee.

Relations scientifiques : Le groupe entretient des relations suivies avec des instituts ou des personnalités étrangères : le Department of Fluid Mechanics de Technical University of Denmark ; the University of Texas, Austin ; le Dipartimento di Ingegneria Aerospaziale du Politecnico di Milano (Professeur invité : L. Quartapelle, Doctorant : N. Parolini) ; M.J. Safi (ENIT, Tunisie) ; S.C.R. Dennis (Université de Waterloo, Canada) ; K.N. Ghia (Université de Cincinnati, USA) ; C. Dalton (Université de Houston, USA) ; J. Shen (Université d'Orlando, USA) qui a bénéficié d'un poste en accueil CNRS ; P. Minev (Canada). J.-L. Guermond est depuis cette année mis à disposition au Texas Institute for Computational and Applied Mathematics, University of Texas, Austin avec lequel il entretient une coopération. Enfin, J.-L. Guermond est membre du comité international d'organisation de la conférence ECCOMAS 2001.