DYNAMIQUE DES TRANSFERTS ET INSTABILITÉS
Exemples d'activités de recherche du groupeLa convection thermique dans les écoulements est le thème dominant de ce groupe. La convection est importante, tant pour ses applications pratiques que pour les questions fondamentales qu'elle soulève. Les applications de la convection étudiées par les membres de l'équipe concernent la croissance cristalline et la réfrigération. Un type de question fondamentale s'adresse à la validité de la modélisation physique -- par exemple, des déviations de l'approximation de Boussinesq ou la modélisation de discontinuités à une surface. Un autre type de question touche à la théorie des systèmes dynamiques : la convection peut être interprétée à l'aide des idées de la théorie des bifurcations et, historiquement, a même inspiré de nouveaux développements théoriques dans ce domaine. Le travail du groupe Dynamique des Transferts et Instabilités s'intéresse à ces différentes dimensions : applications industrielles, modélisation physique, et théorie des bifurcations. D'autres écoulements pilotés par le cisaillement ou la rotation sont également étudiés par les membres de ce groupe. Plus particulièrement, la rotation différentielle joue un rôle analogue à celui du gradient thermique imposé dans la convection et dans certains cas, une correspondance rigoureuse entre les équations peut être démontrée. Il est surprenant de constater que, bien que très fondamentales, certaines des configurations d'écoulements en rotation auxquelles le groupe s'intéresse, ne soient étudiées que maintenant pour la première fois et que leurs comportements ne soient pas encore compris. Un dernier sujet de recherche est le développement de nouvelles méthodes numériques. Des membres du groupe ont développé des moyens d'adapter des programmes d'intégration temporelle des équations de Navier-Stokes pour effectuer d'autres tâches, notamment le calcul d'états stationnaires par méthode de Newton et l'analyse de stabilité linéaire par méthode d'Arnoldi. Ces algorithmes se sont montrés très efficaces dans diverses situations impliquant la convection thermique et les écoulements générés par la rotation ou le cisaillement. D'autres méthodes numériques, par exemple la construction de bases réduites adaptées à l'intégration temporelle et des méthodes de projection pour imposer l'incompressibilité, sont également étudiées dans le groupe.
THÈME 1 : CONVECTION THERMIQUE
G. Labrosse, C. Delcarte, I. Delbende, G. Kasperski, L. Martin-Witkowski,
P. Le Quéré, L. Tuckerman, C. Weisman, S. Xin
Convection Naturelle : S. Xin, P. Le Quéré
Un des problèmes tests de longue date du groupe est une cavité sur laquelle un gradient thermique horizontal est imposé. Se basant sur leurs travaux précédents de l'écoulement bidimensionnel et les transitions successives qu'il subit, S. Xin et P. Le Quéré ont étudié l'instabilité vers la tridimensionnalité dans une boite carrée. Ils ont calculé deux bifurcations primaires, l'une stationnaire et tridimensionnelle et l'autre oscillatoire et bidimensionnelle. Le seuil de la bifurcation stationnaire 3D est plus bas, ce qui remet en question la signification physique des calculs 2D. Mais la branche d'amplitude finie résultant de l'instabilité 2D subit une bifurcation secondaire oscillatoire correspondant à un mode qui ressemble au mode oscillatoire 2D de l'état de base. Plusieurs nombres de Prandtl ont été étudiés et une interprétation physique impliquant un mécanisme d'instabilité de type Taylor-Görtler a été proposée. Un nouvel effort a aussi été entamé pour calculer les écoulements externes, ce qui pose la délicate question des conditions aux limites à imposer à la frontière du domaine de calcul. Xin a commencé à calculer l'écoulement autour d'un fil chauffé, une configuration étudiée expérimentalement par Duluc, Lusseyran et Gougat dans le contexte de l'ébullition et changement de phase. Un impressionnant accord qualitatif et quantitatif a été obtenu avec des mesures expérimentales PIV (Particle Image Velocimetry) de l'écoulement, validant ainsi à la fois les calculs et le postprocessing des données PIV.
Convection thermocapillaire :
C. Delcarte, G. Kasperski, L. Martin-Witkowski
L'apparition de convection pendant la croissance cristalline peut
conduire à des inhomogénéités et à des striations peu
souhaitables. Même quand la convection due à des différences
de densité (convection de Rayleigh-Bénard) n'est pas
présente, la convection peut être engendrée par des
variations de tension superficielle (convection de Marangoni ou
thermocapillaire). Dans ce contexte, la convection est étudiée
avec la motivation de l'éviter ou de la réduire. Dans la
technique de zone flottante, une source de chaleur est
translatée verticalement le long d'une colonne cylindrique
maintenue par la tension superficielle et qui se solidifie pour
former un cristal.
Depuis plusieurs années, C. Delcarte, G. Labrosse et G.
Kasperski étudient l'effet dû à la singularité qui existe
à la ligne de contact entre les sections solides et fluides d'un
cristal en solidification dans une configuration axisymétrique.
G. Kasperski a développé un nouveau modèle physique de la
contrainte, qui sera mis en oeuvre par S. Nguyen, pour remplacer
le filtrage heuristique étudié jusqu'ici par C. Delcarte et E.
Chénier.
L. Martin-Witkowski est en train de rédiger les travaux qu'il a
effectués pendant ses années postdoctorales à
Champaign-Urbana avec J.S. Walker sur la convection
solutocapillaire, c'est-à-dire la convection générée par
des gradients de tension superficielle, générés à leur
tour par des gradients de concentration. Plus précisément, il
a calculé les bifurcations brisant l'axisymétrie dans une
configuration cylindrique.
Convection thermosolutale : G. Labrosse, L. Tuckerman
Dans la convection double-diffusive, deux agents contribuent à
la poussée d'Archimède. Dans le cas le plus fréquent ces deux
agents sont des gradients thermiques et de densité et ils
peuvent agir ou bien ensemble ou bien en opposition. Des
comportement dynamiques intéressants et compliqués peuvent en
résulter, surtout quand les deux forces sont en opposition.
Plusieurs variantes sont possibles : dans la convection
thermosolutale, les gradients thermiques et de concentration sont
tous les deux imposés, tandis que dans le problème de Soret,
qui est plus accessible expérimentalement, le gradient de
concentration résulte du gradient thermique par le biais de
l'effet de Soret. La plupart des études du problème de Soret
ont traité des géométries de grande extension, utilisant des
conditions aux limites périodiques et rectangulaires. Par
contre E. Millour et G. Labrosse ont étudié les transitions
qui ont lieu dans le problème de Soret dans une géométrie
confinée axisymétrique. Ils ont découvert que la
ressemblance entre le comportement des fluides simples et binaires
aux grands nombres de Rayleigh ne restait valable que pour des
conditions aux limites libres. Quand les surfaces qui bornent le
fluide binaire sont rigides, une bifurcation globale, absente pour
un fluide simple, mène à des oscillations après un cycle
hétérocline. Pour des nombres de Rayleigh plus faibles, ils ont
découvert qu'un fluide binaire avec des conditions aux limites
libres suit un scénario de dédoublement de période vers le
chaos, comparé aux bifurcations souscritiques de Hopf et
homoclines qui ont lieu pour des conditions aux limites rigides.
L. Tuckerman, se basant sur son travail précédent avec A. Bergeon, D. Henry et H. Benhadid sur la convection de Marangoni dans un fluide binaire avec effet Soret dans une géométrie rectangulaire confinée, a formulé une nouvelle interprétation théorique de la convection double-diffusive. Cette interprétation est basée sur le principe élémentaire que les valeurs propres d'une matrice 2 x 2 subissent soit le croisement évité soit la coalescence complexe, dépendant du signe de couplage (produit des termes non-diagonaux) quand les termes diagonaux coïncident. Il est surprenant que l'énergie des états convectifs stationnaires et nonlinéaires puisse aussi être interprétée de cette façon. Les bifurcations de Hopf et noeud-col résultent toutes les deux de la coalescence complexe due à un couplage négatif ; le couplage positif mène à des régimes thermiques et solutaux distincts. Le point de codimension-deux auquel les bifurcations noeud-col disparaissent, changeant la nature des bifurcations fourches de supercritique à souscritique, est exactement analogue au point de codimension-deux de Bogdanov, où disparaissent les bifurcations de Hopf dans le problème linéaire.
Convection non-Boussinesq : C. Weisman, D. Barkley, P. Le
Quéré
Dans l'approximation de Boussinesq pour la convection, toutes les
propriétés physiques du fluides sont supposées uniformes et
constantes, mis à part une dépendance linéaire en
température de la densité dans le terme moteur de la poussée
d'Archimède. En conséquence, le fluide peut être considéré
comme effectivement incompressible. Cette approximation est
largement utilisée, mais n'est valable que pour de faibles
écarts de température. P. Le Quéré a écrit un code qui
met en oeuvre le modèle de Paolucci qui est intermédiaire en
complexité entre l'approximation de Boussinesq et les
équations compressibles complètes. P. Le Quéré et H.
Paillère ont organisé une journée d'études au CEA-Saclay en janvier
2000 dont le but était de comparer de tels codes. Le modèle de
Paolucci et le code de Le Quéré ont été validés pour
prédire la convection à faible nombre de Mach. Des simulations
effectuées par C. Weisman avec des stagiaires ont montré des
comportements dynamiques très curieux. Plus précisément,
certaines simulations montrent une alternance regulière entre
une phase laminaire, presque stationnaire, et une phase comprenant
des oscillations rapides, nommées bouffées. Weisman collabore
avec D. Barkley, qui a suggéré que ces bouffées
régulières sont une manifestation d'un passage lent à
travers une bifurcation de Hopf. Un modèle de trois équations
différentielles ordinaires qui reproduit les alternances des
bouffées a été proposé. Elle effectuera d'autres simulations et
calculera des vecteurs propres approximatifs afin de verifier
cette explication en terme de bifurcations et de déterminer le
mécanisme physique qui en est responsable.
Thermoacoustique : I. Delbende, C. Weisman
Un gradient thermique imposé sur un fluide ou un gaz
compressible, tel que l'azote, peut engendrer des ondes sonores
qui peuvent, à leur tour, extraire de la chaleur. Nous cherchons
à contrôler ce processus afin de l'utiliser pour un nouveau
moyen de réfrigération. I. Delbende a mené une analyse de
stabilité linéaire d'un fluide compressible dans un moteur
thermoacoustique dans une configuration étudiée
expérimentalement par d'autres groupes au LIMSI. Les équations
compressibles de Navier-Stokes sont discretisées et
linéarisées, et la matrice qui en résulte diagonalisée. Les
valeurs propres et vecteurs propres sont alors continués de
façon économique dans le plan des paramètres par la
méthode de Newton. Cette étude montre un accord qualitatif
avec l'expérience, mais pour des gradients thermiques plus
faibles, un désaccord qui peut être attribué à une
sous-estimation de la dissipation due aux conditions aux limites.
C. Weisman a adapté le code faiblement compressible (bas nombre
de Mach) développé pour la convection non-Boussinesq pour
étudier la thermoacoustique ; voir le rapport de l'action
transversale Thermoacoustique/Cryogénie
THÈME 2 : ÉCOULEMENTS ROTATIFS ET CISAILLÉS
O. Daube, I. Delbende, P. Le Quéré, C. Nore, L. Tuckerman, S. Xin
Ce groupe étudie aussi des écoulements engendrés par la rotation ou le cisaillement. Il existe une ressemblance étroite entre le comportement des écoulements confinés entre des disques maintenus en rotation différentielle et celui des écoulements engendrés par la convection. Cette analogie est bien connue, mais la géométrie usuelle dans laquelle elle est évoquée concerne l'écoulement de Taylor-Couette entre deux cylindres concentriques et la convection de Rayleigh-Bénard engendrée par un gradient thermique vertical, c'est-à-dire parallèle à la direction de la gravité. Ici, par contre, la géométrie et les forces motrices sont perpendiculaires à celles de l'analogie habituelle, dans la mesure où les disques, et non les cylindres, sont en rotation, et le rayon des disques est plus grand que la hauteur des cylindres.
Ecoulement rotor-stator : O. Daube, P. Le Quéré
Un projet de longue durée concerne la configuration rotor-stator,
dans lequel le fluide est confiné entre deux disques
parallèles, l'un en rotation et l'autre stationnaire,
séparés par une distance qui est petite devant leurs rayons.
Des simulations nonlinéaires de l'écoulement bidimensionnel
rotor-stator montrent un comportement curieux, présentant des
transitions et de l'hysteresis qui sont incompatibles avec des
arguments simples de la théorie des bifurcations. Divers outils
numériques ont été employés afin d'éclaircir ce
comportement. En particulier, des états stationnaires stables et
instables ont été calculés par la méthode de Newton et un
grand nombre (environs 100) valeurs propres des Jacobiens
correspondants régissants leur stabilité linéaire ont
été calculées. La description qui commence à émerger
montre que la non-normalité du Jacobien engendre une croissance
transitoire significative (d'un facteur de plus d'un milliard) et
que certains états stationnaires stables peuvent ne pas être
atteints à cause d'un bassin d'attraction quasiment nul. Des
visualisations des écoulements et des vecteurs propres montrent
des structures de forme irrégulière se propageant vers
l'extérieur le long du disque tournant, passent vers l'autre
disque, puis se propagent vers l'intérieur. Ceci ressemble
beaucoup aux visualisations de la convection naturelle
bidimensionnelle dans des rapports d'aspect similaires. Les deux
problèmes possèdent des aspects appartenant à l'instabilité
convective.
Écoulement de von Kàrmàn : C. Nore, O. Daube,
L. Tuckerman, S. Xin
Un autre écoulement semblable est l'écoulement de von
Kàrmàn entre deux disques qui tournent tous les deux à la
même vitesse, mais dans des directions opposées. Motivé au
départ par des études de la dynamo magnétique à des
nombres de Reynolds élevés, le comportement tridimensionnel de
cet écoulement à des bas nombres de Reynolds est resté
jusqu'ici relativement inexploré. C. Nore a effectué des
simulations utilisant un code mixte Fourier--différences finies
écrit par O. Daube ; celles-ci ont été comparées aux
résultats de codes déléments finis et de gaz sur réseau
écrits par J.-L. Guermond et P. Lallemand (ASCI).
Le fait que les disques supérieur et inférieur tournent à
des vitesses égales et opposées élargit le groupe de
symétrie de SO(2) (symétrie de rotation azimutale autour de
l'axe de rotation) à O(2) (une symétrie de réflection autour
de n'importe quel axe horizontal). Pour une géométrie fermée dont
le rapport d'aspect hauteur sur rayon vaut un, les deux
premières instabilités correspondent à des modes avec nombre
d'onde azimutal un et deux. L'écoulement est donc près d'un
point de codimension deux 1:2 avec symétrie O(2). Ce
scénario est particulièrement riche, comportant non seulement
des états stationnaires avec nombre d'onde un et deux, mais
aussi des ondes propagatives, des ondes modulées, des ondes
stationnaires, et même des cycles hétéroclines qui perdurent
sur une grande plage de nombre de Reynolds. Avec l'aide de L.
Tuckerman et S. Xin, C. Nore a assemblé le diagramme de bifurcation
pour l'écoulement de von Kàrmàn, qui présente en effet la
plupart de ces états dynamiques. Un mécanisme physique a
été proposé pour les instabilités primaires, impliquant
une généralisation de l'instabilité de Kelvin-Helmholtz.
Les projets futurs envisagés concernent la construction du
diagramme de stabilité linéaire complet pour le cas de
contre-rotation exacte, et une étude des effets d'un écart à
la contre-rotation exacte, qui brise la symétrie O(2). C. Nore
envisage également une réalisation expérimentale de cet
écoulement, en collaboration avec Couder et Cartier (ENS).
Magnétohydrodynamique (MHD) : C. Nore, L. Tuckerman
Le travail de ce groupe en magnétohydrodynamique découle
naturellement de celui effectué pour les écoulements
en rotation : malgré le fait que la
magnétohydrodynamique décrit en général l'intéraction
entre champs magnétique et de vitesse, en pratique les
configurations étudiées sont les écoulements dans des
sphères ou des cylindres en rotation. Des expériences sont en
cours sur le site Cadarache du CEA par une équipe dirigée par
Fauve de l'ENS et par Daviaud de CEA-Saclay dont le but est de
générer une dynamo auto-entretenue : des champs magnétique
et de vitesse qui interagissent pour s'entretenir mutuellement.
Ceci est l'explication couramment donnée pour l'existence du
champ magnétique de la terre et d'autres corps célestes. C.
Nore a déjà étudié les dynamos dans la géometrie de
Taylor-Green -- une géometrie Cartésienne périodique avec des
symétries imposées et des termes de forçage qui simulent
la rotation -- en collaboration avec Brachet (ENS), Politano (Obs.
Nice) et Pouquet (NCAR, USA). Une étude dans la géometrie de
von Kàrmàn utilisée dans les expériences de Cadarache sera
menée, utilisant un code d'éléments finis écrit par J.L. Guermond
auquel un champ magnétique est ajouté. Une approche
complémentaire est envisagée par L. Tuckerman, qui dirigera la
construction d'un nouveau code pseudospectral cylindrique MHD.
Ecoulements de Couette plan et de Taylor-Couette : L. Tuckerman
Un autre écoulement cisaillé étudié dans le groupe est
l'écoulement de Couette plan, l'écoulement dans une conduite
confinée par deux plaques infinies et parallèles se
déplaçant à des vitesses différentes. L'écoulement de
Couette plan, comme d'autres écoulements dans les conduites et
les tuyaux, subit une transition brutale vers la turbulence
tridimensionnelle malgré sa stabilité linéaire. La
compréhension de cette transition est rendue difficile par
l'absence d'états intermédiaires. L. Tuckerman, avec D.
Barkley, a étudié une configuration introduite par O. Dauchot
et ses collaborateurs au CEA-Saclay, dans laquelle un fil mince
est placé à mi-chemin entre les deux plaques. Ceci a pour
effet de créer ou de stabiliser des états stationnaires
tridimensionnels contenant des tourbillons longitudinaux, qui sont
engendrés par une bifurcation souscritique. Ces états
subissent des bifurcations secondaires de type noeud-col, fourche,
et Hopf. Au-dessus d'un nombre de Reynolds critique, une
transition à la turbulence a lieu, par le biais d'une
bifurcation noeud-col puis d'un doublement du nombre d'onde
tranverse. La motivation pour étudier ces états et leurs
bifurcations ultérieures est que certains de ces états
pourraient survivre quand le rayon du fil tend vers zéro,
c'est-à-dire dans la limite de l'écoulement de Couette plan.
Une des théories avancées pendant les dix dernières années
pour expliquer la transition dans l'écoulement de Couette plan
est celle de la non-normalité : un opérateur linéaire peut présenter une croissance transitoire si ses vecteurs
propres ne sont pas orthogonaux, même si les valeurs propres
correspondantes sont toutes négatives. Pourtant, cet outil
mathématique n'avait pas encore été appliqué à
l'écoulement de Taylor-Couette, l'écoulement entre deux
cylindres concentriques en rotation. Contrairement à
l'écoulement de Couette plan, la transition dans l'écoulement
de Taylor-Couette est relativement bien comprise. Des calculs de
la croissance transitoire dans l'écoulement de Taylor-Couette
pourraient donc aider à évaluer la pertinence de la
non-normalité à la transition. Tuckerman, avec Hristova, Roch
et Schmid (LadHyX, Ecole Polytechnique; Université de
Washington), a réalisé les premiers calculs de croissance
transitoire dans l'écoulement de Taylor-Couette, dans le cas de
contre-rotation exacte dont la limite est l'écoulement de Couette plan quand le
rapport des rayons des deux cylindres tend vers un. Le résultat principal et
inattendu est que la courbure augmente la croissance transitoire : la croissance
transitoire est plus grande pour l'écoulement de Taylor-Couette
avec petit entrefer qu'elle ne l'est pour l'écoulement de
Couette plan.
Eclatement tourbillonnaire : I. Delbende
I. Delbende, avec M. Rossi (LMM, Paris VI) et S. Le Dizès
(IRPHE, Marseille), a étudié la stabilité tridimensionnelle
d'un tourbillon qui est étiré et comprimé périodiquement
dans la direction axiale. Ce type d'écoulement est très
différent de ceux décrits ci-dessus, puisque le domaine est
infini. La déstabilisation qu'ils observent pourrait avoir des
applications au comportement des filaments de vorticité dans les
écoulements turbulents.
THÈME 3 : ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES
L. Tuckerman, O. Daube, G. Labrosse, P. Le Quéré, S. Xin
Spectres : S. Xin, P. Le Quéré, L. Tuckerman
La stabilité linéaire d'un écoulement dépend du signe de
la partie réelle de la valeur propre vedette du Jacobien,
c'est-à-dire du membre de droite des équations d'évolution
linéarisées autour de cet écoulement. Des problèmes à
une dimension, une fois discretisés, engendrent des matrices de
taille 100 ou moins qui peuvent donc être directement
diagonalisées. Ceci est vrai aussi pour des problèmes à
deux ou trois dimensions n'ayant qu'une direction non-homogène.
Par contre, des problèmes ayant deux ou trois directions
non-homogènes engendrent des matrices trop grandes pour être
stockées ou diagonalisées et des méthodes itératives
doivent donc être utilisées. Ces méthodes sont
``affranchies de matrices'', ce qui signifie qu'elles utilisent la
matrice seulement par le moyen de son action sur un vecteur et ne
nécessitent donc pas sa construction. Mais les méthodes
itératives les plus simples (la méthode des puissances ou
d'Arnoldi) calculent les valeurs propres dominantes (celles de
plus grand module) au lieu des valeurs propres vedettes (celles
de plus grande partie réelle). L'adaptation des méthodes
itératives pour calculer les valeurs propres vedettes a été
récemment le but principal de notre groupe dans le domaine du
calcul scientifique et des méthodes numériques.
Dans le but de calculer les instabilités tridimensionnelles dans
la convection naturelle dans une cavité carrée, S. Xin a
combiné la méthode d'Arnoldi avec la méthode de Newton pour
calculer exactement et directement les seuils des bifurcations de
Hopf, une tâche notoirement difficile. Des estimations ont
été obtenues en agissant de nombreuses fois avec
l'exponentielle approchée du Jacobien ; ces estimations sont
ensuite raffinées et continuées le long de la branche des
solutions par la méthode de Newton. I. Delbende a aussi
utilisé la méthode de Newton afin de suivre de façon
efficace certaines valeurs propres en fonction d'un paramètre de
contrôle, dans son étude de l'instabilité thermoacoustique.
L. Tuckerman a continué de travailler sur la méthode d'Arnoldi
inverse, dans laquelle l'inverse approchée du Jacobien remplace
l'exponentielle approchée. L'inverse est elle-même obtenue par
une méthode itérative, la méthode des gradients
biconjugées stabilisées (BICGSTAB), et nécessite un
préconditionnement de Stokes pour converger rapidement. Cette
méthode a maintenant été appliquée par L. Tuckerman à
l'écoulement de Couette sphérique, par S. Xin à la
convection naturelle, et par L. Tuckerman, avec M. Brachet et C.
Huepe, à une matrice de taille 106 qui est le Jacobien d'une
équation de Schrödinger nonlinéaire qui modélise les
condensats de Bose-Einstein.
P. Le Quéré et O. Daube, avec E. Gadoin, ont utilisé ARPACK,
un logiciel dans le domaine publique écrit par D. Sorensen (Rice,
US) et ses collaborateurs, qui calcule les valeurs propres d'une
grande matrice dans une région souhaitée du plan complexe. Ils
ont calculé une centaine de valeurs propres pour la convection
naturelle et pour l'écoulement rotor-stator. Dans les deux
écoulements, les spectres montrent un grand nombre de valeurs
propres réelles, ainsi qu'une branche de valeurs propres
complexes. Les vecteurs propres associés montrent des
structures dont le nombre augmente en suivant cette branche
complexe. Ceux-ci sembleraient avoir plus d'importance physique
que les valeurs propres réelles, même quand leurs parties
réelles sont assez négatives. ARPACK, comme toutes autres
méthodes itératives, calcule beaucoup plus facilement les
valeurs propres dominantes que les valeurs propres vedettes. Notre
but actuel est de combiner ARPACK avec la méthode inverse,
c'est-à-dire d'utiliser ARPACK pour calculer la valeur propre la plus
grande de l'inverse, où l'action de l'inverse est calculée par
gradients biconjuguées avec préconditionnement de Stokes.
Imposition de l'incompressibilité : G. Labrosse
Un problème fondamental dans la mécanique des fluides
numérique est le traitement de l'incompressibilité. Bien
que plusieurs méthodes existent pour imposer
l'incompressibilité exacte, elles coûtent en général cher :
la difficulté est de réconcilier la vitesse de calcul avec
l'imposition adéquate de l'incompressibilité. Plusieurs
membres du département de mécanique-énergétique (J.-L.
Guermond, P. Le Quéré, L. Tuckerman) ont travaillé sur ce
problème dans le passé. Récemment, G. Labrosse, avec E.
Leriche (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne), a
proposé une méthode qui ressemble à celle des pas
fractionnaires, mais qui peut être définie indépendamment de
l'algorithme d'intégration temporelle, permettant une analyse
théorique plus fondamentale de la méthode. Cette analyse
montre que la raison pour laquelle certaines conditions aux
limites sur la pression mènent à une instabilité numérique
est qu'elles brisent l'ellipticité du problème et rendent
certaines valeurs propres positives. La nouvelle méthode
s'avère efficace et précise pour le problème test de la
cavité entraînée.
RELATIONS EXTÉRIEURES
Enseignement et diffusion des connaissances
I. Delbende, M. Firdaouss et C. Weisman enseignent à
l'Université de Paris VI. C. Dang Vu, G. Labrosse, G. Kasperski, C. Nore et S.
Xin enseignent à l'Université de Paris XI. C. Dang Vu et G.
Labrosse sont responsables du DESS "Simulations Numériques en
Dynamique des Fluides et des Transferts" et du DEA "Dynamique des
Fluides et des Transferts" respectivement, en Mécanique à
l'Université de Paris XI. L. Tuckerman enseigne à l'Ecole
Polytechnique. C. Nore a bénéficié de deux années d'accueil en
délégation (1/9/2000-31/8/2002).
Congrès
Les membres du groupes ont participé à de nombreux congrès
en France et à l'étranger. L. Tuckerman a organisé la
Journée de Dynamique des Fluides sur le Plateau, qui rassemblent
les chercheurs travaillant en dynamique des fluides dans les
laboratoires voisins sur le Plateau d'Orsay/Palaiseau (FAST,
LADHYX, LEMFI, CEA-Saclay).
Relations internationales
Le groupe a reçu des visites de longue durée (plus d'un
mois) de A. Gelfgat du Technion en Israël (soutien MRT), de
H. Laatar de l'Université de Bizerte en Tunisie (PICS CNRS), et de
D. Barkley de l'Université de Warwick en Angleterre (poste rouge
CNRS). G. Labrosse est allé passer une année sabbatique à
l'Université de Floride